Dirigeant et Professions libérales - Mars 2023

Dividendes : L’attractivité en trompe-l’œil de la SA et de la SAS

Dividendes : L’attractivité en trompe-l’œil de la SA et de la SAS
Avec les nouvelles règles de taxation des dividendes adoptées en 2013 et en 2018, les créateurs d’entreprise ont délaissé la SARL au profit de la SA ou de la SAS. Ont-ils raison de faire ce choix ? Pas si sûr quand on regarde les chiffres de près.

Versement de dividendes : l’attractivité en trompe-l’œil de la SA et de la SAS

Avec les nouvelles règles de taxation des dividendes adoptées en 2013 et en 2018, les créateurs d’entreprise ont délaissé la SARL au profit de la SA ou de la SAS. Ont-ils raison de faire ce choix ? Pas si sûr quand on regarde les chiffres de près.

 

La SARL est tombée en disgrâce en 2013, quand les dividendes versés aux gérants majoritaires ont été soumis à prélèvements sociaux. Les intéressés, travailleurs non salariés par définition, y laissaient en effet de 40 à 25% du montant initial selon leur niveau de rémunération.

6 sociétés créées sur 10 sont des SA ou des SAS

Furieux et déterminés à ne pas se faire taxer, beaucoup de dirigeants ont alors transformé leur société en SA ou en SAS. Ainsi, leurs dividendes n’étaient plus soumis qu’à l’impôt sur le revenu, après une décote de 40%. Exemple : un dirigeant à la tranche marginale à 45%  laissait au fisc 27% de ses dividendes (45% x 60%).

 

L’entrée en vigueur de la « flat tax » à 30% en 2018 a conforté les partisans de SA et de SAS dans leur choix. Logique : 30%, c’était mieux qu’une imposition marginale à 45%. Résultat : en 2019, 6 sociétés créées sur 10 étaient des SA ou des SAS, 4 seulement des SARL.

 

Au risque d’en surprendre beaucoup, nous pensons que beaucoup de ces dirigeants se trompent. Pourquoi ?

SARL : des charges sociales sur dividendes, c’est moins d’impôt sur le revenu

D’abord, parce que le dirigeant de SARL qui paie des cotisations sociales sur dividendes voit baisser son revenu imposable. Les 25% à 40% qui lui sont prélevés ne seront pas imposés à sa tranche marginale, disons à 30%, 41% ou 45%. L’un vaut-il mieux que l’autre ? Il faut comparer au cas par cas pour le savoir. Mais il ne s’agit pas de choisir entre une lourde taxation et un revenu non taxé.

 

Ensuite, les dirigeants de SA et de SAS paient les 30% de flat tax sur la totalité de leurs dividendes. L’abattement de 40%, c’est fini. Leur taux d’imposition réel est donc de 30%. Jusqu’à une tranche marginale d’imposition à 30%, le statut de leur société ne leur confère aucun avantage.

 

Et s’ils sont dans la tranche à 41%, voire à 45% ?

SA et SAS : des charges sociales bien plus élevées qu’en SARL

À première vue, oui, ils sont gagnants. Mais quel dirigeant de SA ou de SAS se paie exclusivement en dividendes ?

 

95% d’entre eux se rémunèrent d’abord en salaire, les dividendes étant considérés comme un complément de rémunération. Or, un salaire chargé coûte bien plus cher que des honoraires chargés ! Pour une même rémunération nette de 100 euros, le dirigeant (salarié) de SA ou de SAS coûte à son entreprise 175 euros ; le dirigeant (non salarié) de SARL, entre 130 et 150 euros.

 

Disons les choses autrement. Pour faire une économie sur la taxation de ses dividendes, le dirigeant de SA ou de SAS paie beaucoup plus de charges sociales personnelles que celui de la SARL. Donc, il réduit son bénéfice net et touchera moins de dividendes !

 

C’est ce qui s’appelle déshabiller Pierre pour habiller Paul.

 

Rappelons à ce propos une règle simple : au-delà d’un certain montant de revenus donner un chiffre ou une fourchette (appointements + dividendes), le dirigeant TNS de SARL paie moins de 25% de charges sociales, alors que le dirigeant salarié verra toujours ses dividendes soumis à 30% de flat tax. Résultat : le « net en poche » du dirigeant TNS est plus élevé. 

Réduire son salaire, c’est réduire ses garanties décès, invalidité et maladie

Le dirigeant salarié décide de réduire son salaire, disons de 50%, pour augmenter ses dividendes ? Fort bien. Dans ce cas, il réduit aussi de moitié ses garanties de prévoyance : indemnités journalières, rente et capital invalidité, capital décès… C’est un jeu dangereux : la crise sanitaire nous rappelle, si besoin était, que personne n’est à l’abri d’un problème de santé.

 

De même, la division par deux de son salaire va diminuer d’autant son acquisition de points ARRCO-AGIRC pour la retraite. D’accord, ces caisses se portent mal. Mais je ne vois pas l’État les laisser faire faillite. De plus, le retour sur investissement de ces points retraite est très rapide si le dirigeant est proche des 65 ans.

 

En cumul emploi retraite, vive les dividendes

 

Voilà pourquoi le passage en SA ou SAS est à considérer avec la plus grande prudence. Je ne vois qu’une exception : le  dirigeant en cumul emploi-retraite. S’il se verse un salaire, il cotisera à perte pour la retraite (il ne génère pas de nouveaux droits) comme pour la maladie (il sera mis à la retraite d’office en cas de gros pépin). Il peut donc se rémunérer « pleins pots » en dividendes. Et se réjouir de ne payer que 30% de flat tax.

 

Dans les autres cas, évitez les a priori au moment de choisir le statut de votre société. Confiez-moi votre étude d’optimisation de rémunération et je vous dirai, chiffres à l’appui, si vous avez intérêt à opter pour la SARL, la SA ou la SAS.